Thursday, September 30, 2010

Le Figaro - France : L'Europe en guerre contre les trafics alimentaires

Le Figaro - France : L'Europe en guerre contre les trafics alimentaires: "L'Europe en guerre contre les trafics alimentaires

Mots clés : contrefaçon, douane, FRANCE
Par Christophe Cornevin
30/09/2010 | Mise à jour : 23:07 Réagir
Saisie de chocolats contrefaits à l'aéroport d'Orly. Malgré le risque pour la santé publique, le très lucratif trafic agroalimentaire est pénalement moins risqué que la drogue, par exemple.
Saisie de chocolats contrefaits à l'aéroport d'Orly. Malgré le risque pour la santé publique, le très lucratif trafic agroalimentaire est pénalement moins risqué que la drogue, par exemple. Crédits photo : Michel Euler/ASSOCIATED PRESS
Face aux nouvelles filières du crime organisé, les vingt-sept pays de l'Union se réunissent à Paris du 6 au 8 octobre prochain.

La criminalité du IIIe millénaire est-elle en passe de se nicher jusqu'au creux de notre assiette ? Après les armes, la drogue ou les œuvres d'art, les trafiquants s'attaquent en effet de plus en plus à la filière de l'agroalimentaire. Considérant que les produits de bouche ont généré un marché mondial de 4 000 milliards d'euros en 2009 selon une évaluation de Codex Alimentarius, les bandes criminelles lorgnent ces copieux bénéfices. L'enjeu est devenu majeur pour l'humanité. Multipliant les saisies de figues couvertes de substances cancérigènes, de palourdes gorgées de bactéries, de poulets gavés aux anabolisants, de mozzarella à la dioxine ou encore de charcuterie faite de viande avariée, gendarmes, policiers, magistrats, douaniers et experts en santé publique des vingt-sept pays de l'Union organisent du 6 au 8 octobre à Paris le premier séminaire européen sur la lutte contre les trafics agroalimentaires.

Placée sous le haut patronage du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, cette «grand-messe» est organisée par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). Outre des représentants du monde industriel, des experts indiens, chinois ou russes sont associés aux tables rondes. Au menu : analyses des cas concrets, échanges d'expériences sur les ripostes policières ou encore sur la traçabilité des aliments. «Face à cette délinquance émergente, cette prise de conscience européenne est impérative pour que l'on soit plus efficace», prévient le lieutenant-colonel Jean-Louis Monteil, chef du projet de lutte contre les trafics agroalimentaires. Ceux-ci ne datent pas d'hier. Ils éclatent au grand jour dès 1981, quand une huile espagnole frelatée aux pesticides provoque la mort d'un millier de personnes. Le scandale est énorme mais, à l'époque, personne ne prend la mesure du fléau en gestation.

Dix ans plus tard, des négociateurs en viande venus de Belgique dans le Massif central s'approvisionnent de plusieurs tonnes d'abats bovins, normalement destinés aux animaux domestiques, qu'ils transforment en pâtés et saucisses à destination des pays de l'Est. «Un vétérinaire ayant découvert le pot aux roses a été retrouvé peu après mort mystérieusement dans le port d'Anvers, confie-t-on à l'Oclaesp. Le crime organisé, toujours à la recherche de nouvelles niches, a jeté son dévolu sur l'agroalimentaire pour faire autant d'argent que la drogue sans prendre les mêmes risques…» Sans lâcher les trafics de poudre blanche, la Camorra napolitaine s'est ainsi diversifiée. Dans le jambon de Parme à l'origine douteuse, la mozzarella contaminée à la dioxine mais aussi dans le beurre frelaté, ne contenant que peu de lait, mais du suif de bœuf et des hydrocarbures. Au total, 16 000 tonnes de marchandises toxiques écoulées en 1996 dans des entreprises belges, allemandes mais aussi françaises, pour une valeur de 100 millions d'euros. La fraude n'avait été découverte que trois ans plus tard, après une enquête sur la mort suspecte de deux hommes près d'une laiterie de Naples.

De leur côté, les mafias de l'Est se sont spécialisées notamment dans les produits vétérinaires contrefaits ou interdits : ainsi, en 2007, l'Oclaesp avait saisi 150 mètres cubes de produits anabolisants prohibés, que des gangs venus du froid destinaient à l'Angleterre et à l'Irlande. Estimé à 100 millions d'euros, le stock aurait pu contaminer des troupeaux entiers et entraîner des leucémies foudroyantes en bout de chaîne. Une année plus tard, les autorités belges et ukrainiennes interceptaient 32 wagons chargés de 1 400 tonnes de viande avariée de poulet : elle devait être transformée en Ukraine en cervelas et petits hamburgers réexpédiés vers l'Europe sous un étiquetage grossièrement trafiqué. «Pour l'heure, le grand banditisme français n'apparaît pas dans ce genre de trafic mais nous sommes en alerte», assure le lieutenant-colonel Jean-Louis Monteil.

«Abattoirs clandestins»

De façon plus ponctuelle, les gendarmes ciblent davantage les «stratégies d'entreprises» ajoutant des déchets alimentaires à des produits nobles pour augmenter les quantités ou maquillant notamment l'étiquetage de poulets pour les vendre comme du premier choix alors qu'ils étaient destinés en théorie aux marchés émergents. «Par ailleurs, nous démantelons régulièrement les abattoirs clandestins, où deux ou trois bêtes sont tuées chaque jour dans des conditions déplorables par des individus qui veulent échapper aux taxes et à toute traçabilité lorsque leur cheptel est malade», confie-t-on à l'Oclaesp. Un abattoir a encore été mis au jour la semaine dernière à Pierrelaye, dans le Val-d'Oise.

Selon nos informations, les gendarmes ont relevé l'année dernière pas moins de 8 815 infractions liées à l'agroalimentaire, dont 2 415 délits où se mêlent tromperie sur la marchandise, falsification de son origine et mensonges sur sa qualité réelle. L'âpre bataille contre les scandales de la malbouffe n'en est qu'à ses balbutiements.

LIRE AUSSI :

» En 2006, la première saisie en France d'aliments contrefaits (article publié le 25 septembre 2006)
Par Christophe Cornevin
GRAND REPORTER, LE FIGARO

– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

No comments:

Liste de partage de girtabaix

Followers

Blog Archive