Wednesday, October 20, 2010

savoir le tout et son contraire ! Quand Attali flingue Sarkozy !

lundi 18 octobre 2010
Quand Attali flingue Sarkozy
Vendredi, l'Elysée s'est modestement félicité de la remise du second rapport de la commission Attali pour « accroître le potentiel de croissance ». Le gouvernement cherchait la caution d'une commission présidée par un ancien conseiller de François Mitterrand. Manque de chance, le rapport semble inutilisable : trop libéral pour certaines recommandations, mais surtout trop critique contre la politique actuelle de Sarkofrance. Un vrai gâchis ! Rapidement, certains journaux se sont précipités pour cadrer les commentaires : l'application du rapport Attali équivaudrait à une cure d'austérité. En fait, ces experts flinguent un à un les dogmes et les actes de Nicolas Sarkozy. On comprend mieux pourquoi sa livraison fut aussi peu médiatisée...

Story-telling présidentiel...
Vendredi, Jacques Attali, l'ancien conseiller de François Mitterrand, a remis son second rapport sur la croissance à Nicolas Sarkozy. Début 2008, la remise du premier opus avait été l'occasion d'une jolie mise en scène à l'Elysée, avec une grosse centaine de journalistes, les caméras d'Elysée.fr et beaucoup de commentaires sur les 316 réflexions d'Attali et de ses 40 experts. Cette fois-ci, Sarkozy l'a joué plus discret : un petit rendez-vous, un vendredi soir vers 18h, pas de photos ni conférence de presse. Sarkozy avait besoin de l'ancien socialiste pour se dresser quelques couronnes : « 60% des 316 recommandations du premier rapport de la Commission ont été partiellement ou totalement mises en œuvre. La Commission souligne notamment les changements engagés dans les domaines de l'innovation et de la compétitivité des secteurs d'avenir et des infrastructures qui y sont liées, le développement de la concurrence sur les marchés des biens et services au service du pouvoir d'achat des consommateurs, le soutien aux PME et TPE et la politique de l'emploi et le dialogue social.»

En quelques phrases, la présidence cherche à récupérer à son profit un rapport beaucoup plus critique qu'il n'y paraît.

Dans son communiqué officiel, Sarkozy note qu'Attali exclu « toute hausse générale des impôts », mais préfère plutôt « des économies de dépenses et la réduction de certaines niches fiscales et sociales ». L'affaire tomberait-elle à pic ? Mieux, le rapport « insiste particulièrement sur l'effort de maîtrise de la dépense locale et sur la nécessité de préserver, par des mesures structurelles, le modèle social français face aux défis du vieillissement de la population.» Vendredi, le quotidien Les Echos rapportait les 25 « propositions choc » du rapport Attali. Le rapport Attali préconiserait aussi une belle cure d'austérité. Effectivement, le rapport est, pour une large part, un catalogue à la Prévert de mesures d'obédience libérale : renforcement de la concurrence, accroissement de la taxation indirecte et non progressive, réduction des dépenses publiques... On le croirait pondu par le FMI.

Mais il s'accompagne aussi de nombreuses recommandations qui sont une critique à peine voilée de la politique sarkozyenne.

... contre réalité
Le rapport est librement consultable. A sa lecture, on réalise, avec stupeur, qu'il contredit effectivement pas mal de dogmes sarkozyens, y compris la réforme proposée pour sauver le régime des retraites.

Sur les niches fiscales et sociales, la commission Attali préconise ainsi 25 milliards d'euros de réduction là où le gouvernement n'en a trouvé que 11 milliards. Elle vise en particulier la réduction du taux de TVA pour la restauration (3 milliards). Et qu'on ne s'y trompe pas. Pour les auteurs du rapport, l'élargissement de l'assiette des impôts et prélèvements par le biais de cette chasse aux niches est « revient à augmenter les impôts »(page 8). Et ils rappellent que « les niches bénéficient, pour beaucoup d’entre elles, aux revenus les plus élevés qui y trouvent ainsi un moyen d’échapper à la fiscalité générale » (page 47). Ils préconisent donc de ne pas toucher aux niches relatives aux bas salaires et aux bas revenus. Et de veiller à ce que « cette contribution des plus favorisés à l’effort de redressement des comptes publics ne soit pas annulée par le bouclier fiscal.»

D'après le rapport, les niches à supprimer en priorité sont celles sur les revenus de l’épargne et les plus values de l’épargne et du capital bénéficiant d’un régime fiscal dérogatoire, les niches sur le logement, celles défavorables à l'environnement, les « effets d'aubaine » induits par des taux de TVA réduit (comme sur la restauration), et toutes les niches sans conditions de revenus.

Sacrilège supplémentaire, les auteurs du rapport proposent « un élargissement de l’assiette de la fiscalité sur les successions » (page 48) : « Un retour à la fiscalité sur les successions antérieure à 2007 rapporterait 1,5 milliard d’euros.» Sarkozy appréciera...

Côté réduction de dépenses (50 milliards d'euros ciblés par la commission), on trouve, certes, le gel de certaines prestations sociales (4 milliards d'euros d'économies), le gel du point d'indice des salaires des fonctionnaires au-delà de 2011 (4 milliards d'euros), la réduction amplifiée du nombre de fonctionnaires par l'élargissement du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite aux collectivités locales et à la Sécurité sociale (3 milliards d'euros en 3 ans), une baisse de 1% des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales (6 milliards d'euros d'économies en 3 ans), la mise en place d'une participation financière des malades en affection de longue durée, le déremboursement des médicaments à vignette bleue et orange (un milliard d'euros économisé par an), la fusion totale ou partielle des 800 organismes HLM, l’assouplissement des procédures d’expulsions pour impayés de loyers, la mise en place d'une TVA sociale, la surveillance budgétaire et la mutualisation des dettes publiques au niveau européen.

Présentées comme cela, ces mesures peuvent faire peur. Mais, dans le détail, nombre de propositions visant des réduction de coûts paraissent sarko-incompatibles :
- la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, de la prestation d’accueil du jeune enfant, des indemnisations du chômage, voire d'une partie des dépenses de santé ;
- fiscaliser le financement de l'assurance maladie sur le modèle de la CSG, ce peut revient rendre progressif le financement, alors qu'aujourd'hui les cotisations sont d'un taux identique quelque soit le revenu.
- supprimer les numerus clausus pour les médecins et les pharmaciens car ils « réduisent la concurrence et poussent à une hausse des tarifs sans améliorer la situation des professions de santé», mais maintenir les aides aux implantations en milieu rural.
- créer un bouclier sanitaire, c'est-à-dire un plafond de dépenses de santé au-delà duquel « se déclencherait une prise à charge à 100% des dépenses de santé, quelle que soit la pathologie » (page 56) ;
- instaurer un véritable droit au logement opposable (DALO) et une garantie des risques locatifs, et abaisser les plafonds de ressources HLM.


Concernant la lutte contre le chômage, les auteurs du rapport suggèrent de moduler le niveau des cotisations chômage en fonction du « comportement de licenciement des entreprises. » Plus une entreprise licencie régulièrement, plus ses cotisations chômage seraient élevées. On se demande ce qu'en pense Raymond Soubie, le conseiller social de Nicolas Sarkozy ...

Concernant l'éducation, le rapport critique l'insuffisance de formation consacrée aux personnels éducatifs. On se souvient de Xavier Darcos, ministre de l'éducation, qui expliquait, voici 2 ans, qu'il n'y avait pas besoin de bac+5 pour changer les couches d'enfants en crèche. Attali note que « cette situation est encore dégradée par la diminution de la qualification des encadrants, prévue par les textes réglementaires récents et le développement des maisons d’assistantes maternelles.» (page 84

Concernant la réforme des retraites, la commission Attali n'est pas avare de critiques : « le plan gouvernemental ne traite le financement des retraites qu'à l'horizon 2020.» Elle critique aussi le recul de l'âge à 62 et 67 ans, en rappelant une évidence contestée par le gouvernement : « Le relèvement de l'âge légal défavorise ceux ayant commencé à travailler très tôt et qui travailleront nettement plus longtemps que la durée légale, alors même que leur espérance de vie à la retraite est inférieure à celle des salariés entrés plus tard sur le marché du travail. » Le rapport préconise d'autres voies, plus proches des pistes évoquées par la CFDT, comme laisser le libre choix aux salariés d'arbitrer entre durée de retraite et niveau de pension par le biais des durées de cotisation et des surcotes ou décotes correspondantes : « Les montants actuels découragent les départs précoces et n'encouragent pas du tout les départs retardés. » Il suggère également la mise en place d'un système de comptes individuels de cotisation retraites (« chacun cotiserait le même pourcentage de son salaire pour la retraite » et « Tout euro versé ouvrirait des droits, à tout âge, quelque soit son statut ».)

Concernant les écarts de compétitivité, les auteurs du rapport parlent peu de la fiscalité du patrimoine, le nouveau dada de Nicolas. Ils suggèrent, comme certains à droite en juin 2007, ou d'autres, à gauche plus récemment, l'augmentation de la TVA contre les délocalisations. Mais ils notent surtout que « la France se distingue en Europe par un niveau élevé de taxation du travail s’expliquant principalement par le poids des cotisations sociales.» (page 21). Ils prônent au contraire, pour rééquilibrer la chose, « une fiscalité plus progressive, fondée sur une meilleure rémunération finale du travail et de la création, avec, en contrepartie, de nouvelles ressources fondées sur trois assiettes : les dégradations de l’environnement, la consommation et les patrimoines. » Augmenter les taxes sur les fortunes ?! Argh ! Nicolas a dû s'étrangler de rage... Et concernant l'environnement, un joli pan de ses mesures fiscales pour 2011 consiste à détruire la fiscalité écologique à peine mise en place...

Nicolas Sarkozy pouvait bien publier un communiqué positif, vendredi dans la soirée. Il s'est juste pris une grosse claque.

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