Tuesday, January 25, 2011

Des votes et des bombes: Par Iñaki Iriondo. Traduit par Ursoa Parot

Des votes et des bombes
25/01/2011
19-01-11 / Par Iñaki Iriondo. Traduit par Ursoa Parot
L'arrestation et la mise au secret de quatre personnes accusées d'«alimenter» le site www.apurtu.org qui selon le ministre de l'Intérieur espagnol Rubalcaba «tente de faire pression sur le gouvernement au sujet de sa politique pénitentiaire» sont, entre autres choses, une version brutale de la loi Sinde (1). Internautes & Cie et Anonymous auront peut-être quelque chose à en dire.
Une fois de plus, les propositions de paix issues de la gauche abertzale ont pour réponse l'action d'agents armés qui avec leurs fusils étayent les messages de dureté d'un gouvernement qui ne veut pas résoudre un conflit mais casser l'indépendantisme.
La garde civile en Nafarroa, la police espagnole en Nafarroa et Araba, la police judiciaire en Labourd et l'ertzaintza en Gipuzkoa. Les forces et corps de sécurité des Etats se sont offert hier un autre festin (c'est le quatrième depuis le communiqué d'ETA du 5 septembre). Ensuite, le ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, toujours si méticuleux quant aux détails de propagande, a fait ses comptes et a déclaré qu'«il y a eu treize arrestations ; il faut pratiquement dire que cela n'a pas été une bonne nuit pour la mouvance d'ETA ; c'est sûr que cela n'a pas été sa meilleure nuit».
Mais on pourrait encore faire d'autres comptes. Dans l'opération destinée à arrêter les six accusés d'appartenance à Ekin, la garde civile a utilisé «un déploiement de plus de 300 agents». Pour capturer les quatre présumés militants d'Askatasuna, «90 agents du corps national de police et, notamment, des membres de l'unité de cyberterrorisme du commissariat général à l'information». Au total, selon les chiffres du ministère lui-même, près de 400 agents. Ou si vous préférez, 50 gardes civils pour chacun des détenus par ce corps militaire et 22,5 policiers pour chacun des autres. Tous armés jusqu'aux dents pour arrêter en pleine nuit et par surprise dix personnes désarmées. Toute une démonstration de violence et de puissance budgétaire. Pour cela il n'y a pas de restriction.
Nous n'allons pas spéculer sur la nuit passée par d'autres, mais si nous prenons en compte la phrase de Winston Churchill pour qui «la démocratie est le système politique dans lequel quand quelqu'un frappe à la porte à six heures du matin on sait que c'est le laitier», on peut dire que cette nuit n'a pas été bonne pour la démocratie. Et là entre en scène la Démocratie en personne et, comme l'Ombre du dramaturge Alfonso Sastre, elle répond : «Cela fait longtemps que je n'ai plus rien à voir avec ce qui se passe dans l'Etat espagnol ; ni de nuit, ni de jour».
Alfredo Perez Rubalcaba dit que les arrestations démontrent que le gouvernement, avec ou sans cessez-le-feu, poursuit sa lutte contre ETA «avec fermeté et détermination». Et le ministre de la Justice (?), Francisco Caamaño, de lui faire écho à l'heure du petit-déjeuner avec la sempiternelle phrase selon laquelle il n'y aura pas de dialogue ni avec ETA ni avec Batasuna. Et encore des assauts de domiciles, des arrestations nocturnes, des mises au secret et des perspectives d'emprisonnements comme langage pour renforcer le message de dureté. C'est-à-dire, l'usage de la violence à des fins politiques.
Et tout cela sans aucune accusation individuelle de délit présumé. Il suffit que le ministre dise que certains des accusés sont d'Ekin, «organisation d'ETA qui essaie d'imposer la thèse de la bande à l'ensemble de la gauche abertzale», et les autres d'Askatasuna qui «tente de faire pression sur le gouvernement au sujet de la politique pénitentiaire» pour qu'aucun journaliste ne se demande si cela représente un motif quelconque pour sortir quelqu'un du lit à la pointe du fusil, à grands renforts de cris et de coups brutaux, et de le mettre au secret durant des jours dans une de ces casernes où - selon les affirmations d'organismes compétents - les droits de l'homme sont en suspens ou hors couverture.
Il convient de s'arrêter sur le détail selon lequel une partie de cette opération armée a eu pour but de «désarticuler l'appareil de propagande d'Askatasuna en Navarre» et que l'unique accusation avancée contre les détenus est «d'alimenter» la page www.apurtu.org.
Il y a quelques semaines, l'association Internautes & compagnie a monté une énorme campagne en prévision d'une loi pouvant permettre d'agir contre les pages Web favorisant le chargement gratuit de films et de musique. Ils ont clamé pour la liberté d'expression. Il faut rappeler aux politiciens et groupes parlementaires qui se sont joints à cette vague de protestations que, maintenant, dans l'immédiat, nous assistons à l'application brutale de la loi Sinde, au nom de laquelle pour agir contre un site qui se contente d'offrir de l'information sur le visage réel du Pays Basque pratiquement invisible dans le reste des médias, on envoie 90 policiers pour arrêter un certain nombre de ses collaborateurs. Peut-être l'association Internautes & Cie ou Anonymous ont une quelconque opinion à ce sujet ou bien la liberté d'expression ne consisterait-elle qu'à pouvoir télécharger le dernier épisode de The walking dead avant sa diffusion télévisuelle ?
Sans aucune honte, certains écriront que ces arrestations prétendent déblayer le terrain aux «possibilistes» de la gauche abertzale mais, en faisant cette séparation entre «durs» et «mous», le but recherché en réalité est de susciter des contradictions et, si cela leur est possible, d'alimenter des scissions.
L'alternative qu'offre Rubalcaba à la gauche abertzale n'est pas comme il l'a dit «les votes ou les bombes». Ce qu'il préconise, en fait, c'est «les uns, les votes ET les autres, les bombes». Qui divise régnera. Rien n'indique que ce plaisir lui sera fait.
http://www.lejpb.com/paperezkoa/20110125/244897/fr/Des-votes-et-des-bombes

No comments:

Liste de partage de girtabaix

Followers

Blog Archive